FEd976 - le Forum de l'EDucation
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Google Pixel 7 5G – Smartphone 6,3″ OLED FHD+ 8 Go + 128 Go
316 €
Voir le deal

Mayotte département - M. Tremblais du Figaro Magazine 13/03/09

Aller en bas

Mayotte département - M. Tremblais du Figaro Magazine 13/03/09 Empty Mayotte département - M. Tremblais du Figaro Magazine 13/03/09

Message  crép' Lun 16 Mar - 16:38

Source : site du Figaro

ENQUETE SUR LE FUTUR 101e DEPARTEMENT
JEAN-LOUIS TREMBLAIS - 13/03/2009

Le 29 mars, Mayotte, territoire français de l'archipel des Comores, vote pour devenir le 101e département de la République. Un DOM (département d'outre-mer) pas comme les autres, à 95 % musulman et où un habitant sur quatre est clandestin. Reportage.

Mardi 3 février, la Kengué, vedette de la PAF (police aux frontières), glisse sur le lagon. A son bord, une quarantaine de clandestins comoriens, hommes, femmes et enfants. Maigres, sales, pieds nus, regard vide. Ils essayaient de rallier Mayotte à bord d'une pirogue. Sur le quai de Dzaoudzi, un médecin les examine avant le débarquement. On suspecte quelques cas de gale. Rapidement démentis par le toubib : «Juste des mycoses et des staphylocoques.» Pour lui, comme pour les policiers du comité de réception, c'est la routine. Suivent donc les formalités d'usage. D'abord faire le tri entre les majeurs et les mineurs. Opération réalisée par des fonctionnaires autochtones car ils parlent la même langue que les interpellés, à savoir le shimaore. Puis faire signer un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) aux adultes. Lesquels ne savent ni lire ni écrire. Et surtout pas le français. Une croix suffira. Enfin, déterminer qui est le passeur. Comme toujours, il s'est fondu dans la masse des passagers au dernier moment, confiant la barre à un gamin, afin d'échapper aux poursuites. Pour lui, le tarif est connu : quinze mois de prison ferme la première fois, quatre ans pour les récidivistes. Motif : «Aide à l'entrée et au séjour d'étrangers en situation irrégulière aggravée par la mise en danger de la vie d'autrui.»

De frêles embarcations chargées jusqu'à la gueule

Car ces traversées ne sont pas sans risque. Elles se pratiquent sur des kwassa-kwassas (nom d'une danse africaine signifiant « ça tangue, ça tangue ! »). Des embarcations de sept mètres de long, propulsées par deux moteurs hors-bord. Conçues pour une demi-douzaine de passagers, elles en transportent 25 en moyenne, et quelquefois jusqu'à 40, comme aujourd'hui. Sans compter 100 litres d'essence en bidons et, de temps en temps, des chèvres et des zébus ! A Anjouan, l'île d'où elles partent (située à 70 kilomètres de Mayotte, soit quelques heures de voyage), elles sont fabriquées en série, dans une vingtaine de chantiers quasi officiels, avec de la résine importée de Dubaï. Prix de revient : 2 000 euros. Sachant que les trafiquants font payer entre 100 et 300 euros à chaque voyageur, un kwassa-kwassa est amorti en un aller-retour. A condition de ne pas sombrer en route. Avec un plat-bord réduit à quelques centimètres, chargé jusqu'à la gueule, ce frêle esquif est à la merci du moindre grain, de la moindre houle. Quatre naufrages mortels ont été recensés en 2007. Même chose en 2008.

Il en faudrait plus pour dissuader les candidats à l'émigration, à 99 % originaires de l'Union des Comores, ex-TOM (territoire d'outre-mer) devenu indépendant en 1975, alors que Mayotte choisissait de rester française (voir notre encadré). Une scission qui a porté ses fruits : aujourd'hui, la « collectivité départementale » - le statut exact de Mayotte -, bien qu'elle importe 98 % de ce qu'elle consomme, affiche un PNB dix fois supérieur à celui des Comores. Un havre de stabilité et de prospérité qui fait rêver ses voisins soumis aux putschs à répétition et à la paupérisation. Les liens ancestraux font le reste : même langue, même histoire, même culture, même religion (l'islam). Jusqu'en 1995, les Comoriens pouvaient d'ailleurs se rendre à Mayotte sans visa. Résultat : une explosion démographique incontrôlée et ingérable. En cinquante ans, la population y a été multipliée par dix. Un habitant sur quatre, estimation minimaliste, est en situation irrégulière. Ce qui fait 50 000 personnes ! Avec 8 000 naissances annuelles, la maternité de Mamoudzou (agglomération principale et siège de la préfecture) est la première de France et même d'Europe. Sauf que les deux tiers des femmes qui accouchent ici ne possèdent pas de papiers...

Trois radars fixes pour couvrir le littoral

Depuis 2005, le gouvernement a sorti les grands moyens pour lutter contre cette immigration clandestine. Sur mer, l'action est centralisée par le capitaine de frégate Gilles Aubry, qui dirige le PCAEM (PC de l'action de l'Etat en mer) : «Nous disposons de trois radars fixes, plus un radar mobile, lesquels assurent une couverture jusqu'à 20 kilomètres des côtes. Ce n'est pas infaillible (à cause de la météo, par exemple) mais c'est efficace: 85% des interceptions se font sur indication du radar.» Tous les servicesad hoc (gendarmerie, PAF, douanes) sont mutualisés, s'échangeant les renseignements et se partageant les interventions, afin que le littoral de Mayotte soit surveillé 24 heures sur 24. Les résultats sont éloquents : 100 kwassa-kwassas interceptés en 2006, 179 en 2007, 256 en 2008.

Ce qui n'empêche pas les plus malins ou les plus veinards (souvent informés par des complices locaux des faits et gestes de la PAF ou des gendarmes) de passer à travers les mailles du filet. D'où les contrôles effectués à terre par des patrouilles mobiles et qui se terminent régulièrement par des sprints effrénés dans la mangrove ou les bidonvilles. Pour l'instant, les interpellés sont assez fatalistes (ils savent qu'ils reviendront dans deux semaines, deux mois ou deux ans) et les violences restent rares, mais elles commencent à apparaître. Nul fonctionnaire n'est désormais à l'abri d'un coup de tchombo, sorte de machette servant aux travaux des champs... et à l'autodéfense.

Toujours est-il que les chiffres battent des records : 16 040 reconduites à la frontière en 2008, ce qui représente plus de la moitié des statistiques nationales du ministère de l'Immigration. En matière de surcoût, et malgré l'opacité administrative qui entoure le sujet, Mayotte doit aussi atteindre des sommets. Dans un rapport de 2008, rien que pour l'Education nationale (obligation de scolariser les enfants sans-papiers jusqu'à 16 ans), le sénateur Henri Torre évoquait la somme de 32,4 millions d'euros par an. Et presque autant pour le système de santé (soins dispensés aux non-assurés sociaux). Que dire du financement de l'armada déployée pour juguler la pression migratoire (salaires, équipement, affrètement de navires ou des avions privés pour les expulsions vers l'Union des Comores) ?

C'est dans ce contexte préoccupant, sinon explosif, que le gouvernement a décidé d'organiser son référendum sur la départementalisation. Le 29 mars, les Mahorais devront répondre à la question suivante : «Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée département régie par l'article 73 de la Constitution et exerçant les compétences dévolues aux départements et Régions d'outre-mer?» Vous n'avez pas compris ? Eux, si. En clair et décodé, on leur demande si Mayotte veut devenir un département à part entière, comme le Loir-et-Cher ou le Rhône. L'issue du scrutin ne laisse aucun doute : le oui fait l'unanimité, tous mouvements politiques confondus. «Il faudrait être taré pour dire non, s'énerve Mascati, patron d'un tabac-presse. Regardez les émeutes à Madagascar ou la misère des Comores!» Imparable, vu sous cet angle.

Pourtant, cela mériterait débat.
Un fascicule bilingue - français et shimaore - a bien été envoyé à la population. Si tant est qu'il soit lu et assimilé, il ne cache rien des conséquences de la départementalisation. Concrètement, il s'agira d'un alignement progressif à compter de 2011 sur la législation républicaine, qui mettra fin aux dérogations ayant cours à Mayotte. Côté avantages, l'instauration de tous les minima sociaux (seulement deux sont actuellement applicables), tels que RSA (Revenu de solidarité active) ou ASS (Allocation de solidarité spécifique) ; la perspective de transformer Mayotte en RUP (Région ultra-périphérique) de l'Union européenne, gage d'investissement et de développement.

Mais le document insiste aussi sur les inconvénients, comme la perception de nouveaux impôts (taxes foncières et d'habitation) ou la suppression de la justice cadiale (rendue par des cadis, magistrats musulmans). Selon Thomas Michaud, vice-procureur de Mayotte, «la justice républicaine ne pourra plus s'accommoder de certaines pratiques de droit local: la polygamie, le mariage des filles à partir de 15ans, la répudiation unilatérale, l'inégalité testimoniale (le témoignage d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme). C'est un véritable choix de société qui est proposé aux Mahorais: entre une société africano-musulmane, où la communauté prime, et une société occidentale de type judéo-chrétien, axée sur l'individu».

Une départementalisation à haut risque

Vaste chantier ! Tout comme celui de l'immigration clandestine, dont on voit mal comment elle ne serait pas dopée par la mutation départementale. Même Denis Robin, préfet de Mayotte, le reconnaît : «On ne peut pas renvoyer 50000 personnes ni en régulariser 50000. Il faudra procéder à des régularisations concertées avec la population.» Et d'ajouter : «Il y aurait moins d'immigration clandestine si certains ne fournissaient pas du travail illégal aux sans-papiers.» Car ce n'est pas le moindre des paradoxes de Mayotte : le Mahorais qui vitupère les « envahisseurs anjouanais » (pourtant cousins plus ou moins éloignés) et le laxisme des pandores est souvent le même qui les fait travailler au noir dans ses cultures d'ylang-ylang ou comme maçon à son domicile.

Même si la question est taboue, on aurait aussi pu demander aux Mzoungous (surnom des métropolitains) s'ils souhaitaient hériter d'un 101e département - après leur avoir montré où il se trouvait sur une carte ! Dans les héritages, les droits de succession sont parfois exorbitants, comme on l'a constaté récemment en Guadeloupe et en Martinique.
Surtout en période de crise...
crép'
crép'
doctorat
doctorat

Messages : 570
Date d'inscription : 05/12/2007
Localisation : Paris

http://aboubacarm.canalblog.com

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser